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Entrevue

Entrevue avec Arnaud Meyer

Nicolas : Bonjour Arnaud, et merci beaucoup d’avoir accepté l’invitation. Si tu me permets, nous allons débuter avec ton expérience chez CCCP. Peux-tu nous dire quel était ton rôle là-bas ?

Arnaud : À l’époque, j’étais à ma première ou ma deuxième année de ma formation en game design et gestion de production chez Supinfogame et je devais faire un stage de milieux d’études. Donc j’ai fait du game design et du développement sur des jeux chez CCCP. Alors c’était l’époque des jeux flash sur site web. CCCP, c’est une entreprise française qui était basée d’abord à Valenciennes et qui maintenant a des bureaux à Lille dans le nord de la France. Au début, la compagnie faisait des jeux principalement Casual Games en flash et maintenant fait aussi du Serious Game. Leur dernier jeu qui a plutôt bien marché et qui est plus connu, c’était Dead in Bermuda. Je n’y ai pas du tout participé, car ça faisait longtemps que j’avais quitté. Le dernier qu’ils ont fait, Dead in Vinland qui est disponible sur Steam maintenant. Ce sont des développeurs indépendants et qui ont réalisé quelques jeux comme cela ; ce sont des jeux du cœur on va dire et qui en parallèle fait du Serious Game.

Nicolas : Malgré que ce fût des jeux flash, tu as apprécié l’expérience ?

Arnaud : Moi j’ai énormément apprécié l’expérience. Depuis mes études, moi je n’ai jamais été spécialement un designer à ne jurer que par les AAA et les grandes consoles et ce genre de choses. De par mon attrait même pour tous les types de jeu, les jeux flash ont toujours été des jeux que j’appréciais et que je ne trouvais pas forcément moins en deçà des triples A. Ce n’est pas parce que ça coûtait moins cher que le jeu en était moins intéressant. Moi j’ai toujours pris du plaisir à faire des puzzles game en flash à cette époque. Le meilleur exemple pour moi c’est PopCap. Voilà qui est un peu le meilleur exemple de compagnie qui fait des petits jeux de type puzzle game, mais qui ne veut pas dire forcément petit par le temps de jeu ou l’intérêt qu’on peut lui porter.

Nicolas : Effectivement j’ai l’impression que flash a démocratiser un peu, où du moins, que c’était la première vague des jeux Indy où les développeurs indépendants étaient capables de faire des jeux d’une grande qualité sans avoir des coûts exorbitants. Aujourd’hui on en a d’autres technologies comme Unity, mais à l’époque il n’y avait pas grand-chose. De mémoire, c’est vraiment l’une des premières plateformes qui a permis d’avoir des développeurs indépendants qui ont amené plusieurs jeux intéressant la communauté. Je pense à Alien Hominid qui a été porté sur la XBOX originale et qui était à la base un jeu flash. Donc effectivement, pour moi ça fait partie de l’histoire, car il y a beaucoup de développeurs qui sont partis de là.

Arnaud : Tout à fait ! Et en plus d’avoir la facilité de développement, c’était une des premières technologies qui a permis d’avoir une audience très grande de par le déploiement sur les sites web très simplifié. Ça l’a été le moment où pour moi ou casual gamer ne voulais plus forcément dire une utilisation limitée de temps de jeu parce c’est a l’époque des jeux flash que « la ménagère », que tout associait au stéréotype du casual gamer, pouvait passer des dizaines et des dizaines d’heures sur ces petits puzzles game. Plus tard il y a eu la même chose sur les téléphones portables. On voit que Candy Crush Saga par exemple, pour ne citer que lui, va être traitée de casual game, mais si on regarde les statistiques de temps de jeu, *rire*, toutes les personnes qui disent qu’ils ne sont pas des joueurs passent des dizaines et des centaines d’heures sur ce genre de jeu sur leur téléphone portable en fait.

Nicolas : Tout à fait d’accord. Ça l’a amené une autre génération de gamers, justement de personnes qui ne se considérait pas comme étant des gamers et qui, des fois, ne se considère toujours pas comme étant des gamers, mais qui passe autant de temps que leurs enfants à jouer sur leurs écrans. Donc vous avez fini vos études chez Supinfogame en 2007 puis j’imagine que vous avez commencé par la suite directement chez Oxylane. Est-ce exact ?

Arnaud : C’est ça. Alors Oxylane, c’est le nom du groupe, bien plus connus pour les magasins Décathlon qui sont un très grand retailer sport dans le monde et donc marque française historiquement, dans le nord de la France. Et donc ben oui, en sortie d’études on devait faire un stage en 2e année et moi j’ai eu la chance de trouver un contrat directement. Du coup, l’aventure Domyos a commencé à ce moment-là. Donc Domyos est la marque sports de combat et fitness du groupe Oxylane. En fait, Décathlon est le nom et la marque des enseignes de vente. La philosophie de ce groupe était d’avoir des marques en interne qui fonctionnait en fait comme des entités indépendantes, mais toujours tout dans le groupe pour se simplifier. C’était très intéressant parce que ça permettait d’avoir un peu un fonctionnement type start up, mais avec quand même les moyens et le soutien d’un grand groupe et d’une multinationale en fait. Donc chez Domyos, porté par le département innovations de la marque, a décidé de lancer une console de jeu qui avait la grande particularité de pouvoir se brancher aux appareils de fitness vendus par les enseignes Décathlon. Les premiers éléments c’étaient des manettes qui allaient se brancher sur les vélos d’appartement ou vélo elliptique ou un tapis de danse interactif sur lequel on pouvait poser un step de fitness et qui allait derrière se connecter à la console.

Nicolas : J’ai vu que les premiers jeux qui sont sortis étaient Step Concept et Bike Concept…

Arnaud : C’est ça, donc ces jeux-là moi je n’ai pas travaillé dessus, car je suis arrivé après leur sortie. C’était donc des jeux qui avait été développé principalement par le responsable innovation de la marque à l’époque Cyril Durvicq et le directeur technique qui était Laurent Wiber.

Nicolas : Donc ça n’a pas été développé par SSD, la compagnie qui est derrière la console ?

Arnaud : Alors tout le développement a toujours été fait en fait par SSD. Donc pour l’histoire, SSD sont les développeurs et les créateurs du hardware de la XaviX, qui qui est sorti au Japon et en Amérique. [La console de Domyos était basée sur la même technologie, mais] la XaviX avait ces propres jeux, le plus connu c’est le Jackie Chan Boxing. SSD en fait, est une entreprise qui a été créée par d’anciens ingénieurs de Nintendo. Les brevets de la capture de mouvements via gyromètre/accéléromètre de la Wii ont été déposés par les ingénieurs de SSD pendant qu’ils étaient chez Nintendo et quand ils ont quitté, ils ont créé leur propre compagnie. Au Japon, les brevets sont nominatifs, donc il appartenait à ces personnes. Après, vu la puissance de Nintendo et le fonctionnement il n’y a jamais eu de conflit entre ces personnes et Nintendo étant donné qu’ils étaient gagnants sur les deux tableaux. SSD avait réalisé des accessoires qui utilisaient ce fonctionnement, par exemple le jeu Bowling utilisait un accessoire en forme de boule de Bowling. Il y en avait un de Golf aussi !

Nicolas : Golf, Tennis, Basesball…

Arnaud : Et tout ça en fait si on regarde c’est Wii Sport quoi ! Donc avec une technologie qui, d’un point de vue capture de mouvement est quasi identique, par contre y’a pas le même design et il n’y a pas le même hardware qui fait tourner le jeu. Voilà où on explique aussi la différence de succès, entre autres par le budget marketing et communication qui n’est pas le même.

Nicolas : En fait la XaviX a terminé son aventure à peu près quand Domyos à sa sortie la console. Donc les derniers jeux en Amérique du Nord ont été sortis en janvier/février 2007 pour Eyehands et ensuite Music & Circuit durant l’été 2008, mais c’était le tout dernier jeu de la console, donc on était déjà sur la pente descendante de la XaviX qui était commencée en 2004. Alors que du côté Français avec Décathlon, c’était le début. Je trouve ça quand même intéressant que la console qui venait de passer un cycle de vie complet en Amérique du Nord et au Japon, reprennent une nouvelle vie en en France. En fait, ce n’est pas juste la France. Si je comprends bien, cette console a été vendue partout en Europe, est-ce que je me trompe ?

Arnaud : C’est ça, partout en Europe. À cette époque-là, il n’y avait pas de magasin en Amérique et il y avait très peu de magasins en Asie. Les premiers magasins en Chine sont arrivés aussi pendant le cycle de vie de la console, donc c’était principalement l’Europe la zone de vente. Alors en fait moi, je n’ai pas fait partie réellement de la recherche de toute la période où Domyos a décidé de partir sur cette technologie. Les infos que moi j’ai eues, et ce que je connais sont un peu à prendre avec des pincettes. C’est plus basé sur des discussions de machines à café que j’ai pu avoir avec mes anciens les anciens managers, mais durant toute la phase de prospection et la création du projet, Domyos s’était rapproché aussi bien de tous les constructeurs historiques de consoles. Donc à l’époque c’était la Xbox 360 et la PS3 qui étaient les consoles du moment où même le PC. L’idée était d’aller développer des jeux sur ces consoles ou de créer quelque chose. La mentalité de Décathlon et donc de toutes ces marques a toujours été de maîtriser au maximum ce qu’ils font et ce qu’ils vendent. Donc ils ont préféré partir sur la solution de SSD qui leur permettait de maîtriser aussi bien le hardware que le software. Cette flexibilité a été un des éléments principaux qui a fait qu’ils ont décidé de partir sur une nouvelle console est donc avec SSD. L’idée c’était aussi d’avoir quelque chose d’abordable. Décathlon, ce n’est pas du luxe du tout, le but c’est d’ailleurs le meilleur rapport qualité-prix. En fait, la baseline à l’époque c’était le sport pour tous, donc l’idée c’était de partir sur cette console qui étaient beaucoup plus abordable est aussi très évolutive. Si on regarde entre le bike concept et le step concept qui sont les deux premiers jeux et les jeux suivants sur lesquels j’ai travaillé, ce n’est pas exactement la même technologie. La particularité de la console de Domyos ou Xavix c’est que le chipset et dans la cartouche. La coque est juste une interface de lecture, mais il n’y a pas la puissance dedans. Donc c’est ce qui a permis en fait à des nouveaux jeux d’utiliser des chipsets plus puissants si nécessaire, parce qu’au fil des années les prix avaient baissé aussi.

Nicolas : Si j’ai bonne mémoire, il y a eu trois ou quatre chipsets, la dernière qui s’appelait XaviX 2, mais je crois qu’il y en a eu avec un processeur 8 bits, un 32 bits et un avec du support 3D. En fait, je ne sais pas si la toute dernière a été utilisée sur les jeux nord-américains, et donc, c’est possiblement sur les jeux Européen qu’elle a été utilisée. Ce qui m’amène à la question suivante : quand que vous développiez un jeu, est-ce que c’est vous qui décidiez le hardware que ça allait prendre pour ou est-ce que c’était SDD qui proposait le bon hardware pour le jeu que vous aviez en tête. Comment se faisait le choix ?

Arnaud : Alors tous les développements ont été énormément de collaboration avec SSD. En fait, en interne chez Domyos on avait donc le responsable innovation, le directeur technique, moi qui gérait toute la partie jeu (donc game design, level design, toutes les règles du jeu) et il y avait avec un graphiste. L’idée c’est que tous les développements, même la production du software, étaient faits par les équipes de SSD. Moi je travaillais quotidiennement de concert avec le chef de projet de chez SSD et j’ai eu la chance de faire plusieurs voyages au Japon pour suivre les développements. Je proposais, je faisais les concepts et SSD rebondissait dessus on échangeait. La décision du meilleur hardware était vraiment le fruit d’une collaboration. Bien sûr, il avait aussi la collaboration du directeur technique vis-à-vis du coût de fabrication, le responsable innovation lui gérait plus la partie marketing dont le prix de revente et tout ce qui va avec. C’était vraiment une collaboration entre le design que moi j’imaginais, mes ambitions et derrière, de voir ce qui était faisable ou non en fonction du hardware. C’est pour ça qu’il y a des jeux comme le Fitness Play et Fitness Aventure qui sont les derniers, ou le Fit Race, qui utilisent le XaviX2, par contre le Fitness Training par exemple n’utilise pas le XaviX 2 parce qu’il n’y avait pas de forcément nécessité d’un point de vue graphisme d’avoir la 3d ou un chip puissant.

Nicolas : Est-ce qu’il y avait des problèmes avec la barrière de la langue avec les développeurs japonais ?

Arnaud : Non, ça n’a jamais été un problème parce que la chef de projet parlait couramment anglais et moi aussi donc tout était fait en anglais. Je ne parle pas du tout japonais *rire*.

Nicolas : Ça doit quand même être une expérience intéressante d’aller pouvoir aller au Japon puis s’asseoir avec des gens qui ont travaillé pour Nintendo, des gens qui sont dans le domaine depuis longtemps. Pour vous, c’était vos premiers contacts avec l’industrie outre votre séjour chez CCCP, est-ce que de pouvoir aller parler et partager avec ces gens-là c’est une expérience qui a marqué votre vie ?

Arnaud : Ah oui complètement, une expérience qui m’a même forgé. J’ai eu une très grande chance sûre. Déjà le voyage ! À cette époque-là, c’était déjà beaucoup moins fréquent de pouvoir voyager et vivre ça. J’ai eu la chance de faire des Tokyo Game Show et ce genre de choses à une époque où, ou comme je le dis, les gens ne voyageaient pas autant à l’international. Et j’avais une relation très privilégiée en fait avec le chef de projet de SSD des équipes là-bas.   C’était super d’aller chez eux et de te voir comment ils travaillaient, ça l’a été un peu un rêve, à la limite, ce que j’ai pu vivre.

Nicolas : Évidemment le but pour Décathlon c’était de vendre appareils sportifs. Donc quand on vous demandait de créer un concept de jeu, est-ce qu’on vous disait, par exemple, ça doit utiliser la bicyclette ou ça doit utiliser tel module parce que c’est ce module-là qu’on vende ou, au contraire, vous aviez le champ libre d’imaginer un jeu de sport puis vous décider par la suite de quel accessoire qui pourrait être utilisé ?

Arnaud : Il y avait les deux. Majoritairement le responsable innovation faisait un plan de gamme et décidait d’une direction marketing et d’une gamme produits complète. Donc c’est lui qui priorisait en premier lieu les sports et le matériel associé et derrière par contre, si moi j’avais des idées c’était très ouvert. Comme je disais, même au sein de la marque de Domyos, on était un petit groupe de 4 ou 5 personnes. On était vraiment sur une dynamique start up alors qu’on était dans un groupe qui faisait des aussi bien des vêtements que de l’accessoire que sports. Donc il y avait vraiment plusieurs pôles. Même dans Domyos, comme je le disais, c’est le fitness, le sport de combat les, le pilates, ce genre de choses et yoga donc, il y avait énormément déjà de produits et de références différentes et nous on avait la chance d’échangée très facilement. Par exemple, le jeu Fitness Play qui est un peu un Mario Party, un jeu de plateau à plusieurs, est quelque chose qui est venu aussi de moi. Après, on se nourrissait des idées et des pistes que pouvait nous donner SSD. Donc ça fonctionnait vraiment dans tous les sens j’ai envie de dire. Tout le monde avait la chance de pouvoir donner ses idées de participer à l’élaboration des produits. Mais bien sûr à la base et le dernier mot était au responsable innovation qui faisait le plan de gamme et qui décidait par rapport aux chiffres ce qui était le plus important de faire en premier

Nicolas : Quelles étaient vos sources d’inspiration personnelle pour vos design de jeu ?

Arnaud : En premier lieu forcément, c’est ce à quoi je pouvais jouer. J’ai toujours été un joueur très éclectique. À cette époque-là, il y avait moins de jeu, parce que maintenant ça devient quasiment impossible de tout voir, et j’essayais de jouer et tester au maximum tous les jeux qui sortait et qui existaient quoi ! Donc le design venait en partie de par mon expérience en tant que joueur. Ensuite, j’ai eu la chance de me nourrir aussi du sport qui venait par la marque. C’est à savoir que tous les jeux de Domyos ont toujours été à chaque fois réalisés avec un coach sportif qui dépendaient du sport. Il y avait un professionnel du sport qui travaillait avec moi pour définir le contenu sportif justement. Le bon exemple c’est Fit Race. Fit Race est un jeu de course type Mario Kart avec des objets et ce genre de choses et en fait, les circuits vont faire varier l’intensité et la dureté du vélo d’appartement. Toutes ces variations d’intensité sont en fait un plan d’entraînement de vélos classiques et c’est moi qui derrière ce plan d’entraînement classique décidait dans quel monde le tout allait se dérouler. Je décidais si on allait rajouter tel ou tel objet bonus, mais il fallait toujours que soit limitée ou contraints pour pas trop dévier du plan d’entraînement et que ça reste un réel entraînement de vélo en fait évidemment ça fait.

Nicolas : Quel est votre jeu préféré dans ce que vous avez créé ?

Arnaud : Ah, c’est assez dur à dire. C’est dur parce que je les aime tous. Les coups de cœur sont les derniers où j’ai vraiment le plus ajouter de moi et de ma création. J’ai beaucoup aimé le Fitness Dance de par le côté musique, j’ai pu participer aussi à la création des musiques. Ce n’est pas moi qui les ai composées, mais c’était très intéressant justement de participer à de la création et de la composition de musique de ces enregistrements-là. Le Fitness Training pour moi était très intéressant parce que ça apportait une nouvelle manière de jouer, car on y joue sans regarder l’écran. Il y a pas mal de choses que je retrouve là récemment dans ring fit, que j’avais « déjà fait » à ce moment-là. À l’inverse, le jeu de step avec ce tapis, Nintendo l’avait déjà fait à l’époque de la NES, la première Famicom. Il y avait déjà le tapis de sport et des jeux qui permettait de faire du fitness et de la course. À savoir qu’il y a toujours tellement de choses qui existaient déjà avant en fait. Mais le succès n’est pas toujours présent sur les premières versions. Donc, mon coup de cœur c’est vraiment Fitness Play, Fitness Adventure et Fit Race. C’est vraiment les 3 derniers jeux où j’ai pu leur apporter le plus de choses et faire le plus de design.

Nicolas : ça nous amène un plus à la fin de la console en 2009. Pourquoi Domyos a t’il décidé d’arrêter de produire des jeux ?

Arnaud : Alors pour la petite histoire, moi j’ai quitté l’entreprise en 2011 et donc, pendant les dernières années, à un moment en 2009 je suis passé chez Geonaute, mais c’était plus une histoire de marque. Comme je disais, à l’époque il y avait des marques passions, donc des marques qui représentes un sport, mais après il y avait aussi des marques composants qui en fait une marque qui était spécialisée dans un savoir-faire qui était transverse à toutes les autres marques. Geonaute à l’époque était la marque électronique. Donc on va dire que si chez Décathlon voulait créer une montre pour du fitness ou une montre pour la montagne ou une montre pour aller faire de la natation par exemple, toute la partie technique allait être gérée par Geonaute qui était le spécialiste électronique du groupe. Au même titre, il pouvait y avoir des marques composants qu’ils allaient gérer certains textiles high-tech. Dans le monde, ce qui est très connu, c’est le goretex par exemple. Le goretex est clairement un textile technique qui peut être utilisé aussi bien dans le running dans le trekking ou dans n’importe quelle chose. Donc Décathlon, pour des choses comme ça, exemple des textiles techniques, il crée une marque. Donc je suis passé chez Geonaute pour faire du jeu dans tout le groupe et malheureusement ça l’a été beaucoup de préproduction et peu de lancements. J’ai travaillé surtout le lancement d’une deuxième console pour Domyos. L’idée était d’abord de faire une nouvelle console plus puissante parce que, à cette époque-là en 2010, les graphismes de la console actuelle faisaient un peu trop vieillots. Donc, j’ai eu la chance de faire toute la définition d’une nouvelle console, la préproduction, ce genre de choses, etc. Mais pour répondre à ta question, Domyos a arrêté de créer de jeu, tout simplement suite un changement de direction d’un groupe. En 2011 à peu près, il y a eu un nouveau patron de marque et le patron de marque a décidé d’arrêter le jeu tout simplement. Ce n’était pas du tout par de mauvais chiffres ou des échecs, mais c’était une nouvelle décision de direction que prenait la marque par son nouveau son nouveau patron.

Nicolas : Là tu me donnes plein de nouvelles questions à te poser *Rires*. Donc cette nouvelle console, elle était développée en partenariat avec SSD ou est-ce que vous regardiez pour de nouveaux partenaires ?

Arnaud : Il y avait plusieurs pistes ; rien n’était figé. On a regardé avec SSD, mais j’ai aussi eu la chance de prendre contact avec d’autres développeurs au Japon, même d’autres marques. Enfin il y a eu vraiment plusieurs pistes et plusieurs solutions qui ont été étudiées. Par exemple, j’ai pu rencontrer à cette époque-là, Koto Laboratory. C’est une entreprise très connue au Japon qui ont fait la WonderSwan et qui ont développé aussi des jeux. C’est le créateur Gunpei Yokoi qui est la personne de Nintendo qui avait créé le Virtual Boy qui avait fondé cette compagnie en fait. C’était très rigolo que j’ai pu découvrir cet univers où tous les anciens ingénieurs quasiment de Nintendo avait chacun crée leur studio et leurs entreprises *rire* c’était très intéressant, car j’ai eu la chance justement de les rencontrer, moi jeunes designers *rire*

Nicolas : Donc vous avez quand même été 2 ans et 5 mois chez Geonaute. Est-ce que tout ce temps-là était pour le développement des nouvelles consoles ?

Arnaud : Au moment des jeux Fit Race et Fintness Adventures, j’étais déjà chez Geonaute. Ensuite c’était plus une histoire de titres on va dire, parce qu’étant chez Geonaute, j’ai eu la chance aussi de plus faire du consulting pour les autres marques du groupe. Par exemple, j’ai travaillé sur un produit qui n’est jamais sorti (le Streeter) qui était un podomètre pour les enfants. Donc l’idée c’est que si j’étais resté chez la marque Domyos, je n’aurais jamais pu travailler sur ce genre de projet ou participer à des développements des autres marques en fait.

Nicolas : Est-ce que c’était un choix personnel de changer pour Geonaute ? Plus précisément, est-ce que vous avez appliqué à l’interné ou est-ce eux qui sont venus vous chercher pour le développement de nouveaux produits ?

Arnaud : Ah ! C’était une opportunité pour moi. À savoir que depuis le début il y avait des personnes de chez Geonaute qui participait sur le côté hardware de la DIS. L’électronique, ça a toujours été Geonaute même quand j’étais chez Domyos.

Nicolas : Si on revient à la nouvelle console, elle n’a jamais eu de nom officiel donc, il n’y a pas eu de prototype ou rien de ce genre ?

Arnaud : Non, je crois qu’à un moment elle se nommait la DIS-2, mais ça n’a jamais été malheureusement plus loin que les études de concept. Il n’y a jamais eu rien de concret qui a pu en sortir.

Nicolas : Ça reste tout de même très intéressant de pouvoir participer, comme vous l’avez mentionné, à l’élaboration d’une console, ce n’est pas tous les jours qu’on a cette chance-là !

Arnaud : D’un point de vue commercial, ce n’est rien *rire*, car au final il n’y a rien et pour le grand public, ça n’existe pas, mais d’un point de vue travail c’était très formateur. Ça m’a permis de voir des choses que je ne pense pas que j’aurai la chance de revoir par maintenant l’inertie et le volume que doit prendre les choses sur les nouvelles consoles et avec les nouvelles puissances que ça doit avoir. C’était la même chose à l’époque pour la DIS et les premiers jeux que j’ai fait. Moi j’étais très heureux de ce que j’ai pu vivre chez Domyos parce que j’ai pu voir le développement d’un jeu littéralement de A à Z même plus loin j’ai envie de dire, où j’ai fait le concept initial et j’ai suivi tout le développement toute la production et j’ai même eu la chance après de le voir en magasin. Parce que Décathlon était justement les enseignes de magasin, j’ai pu le voir en magasin, j’ai pu interagir avec les vendeurs les directeurs de magasin pour leur expliquer au mieux le jeu, pour qu’eux le vendent mieux aussi. Pour les aider avec l’élaboration de la pub télé et ce genre de choses. Vraiment j’ai eu la chance de participer à quasiment tout, parce que la dimension de l’équipe était très petite. Et c’est ça qui était très formateur est très excitant en fait sur cette expérience.

Nicolas : Là-dessus, quel était votre meilleur souvenir de votre séjour chez Domyos ?

Arnaud : Ah ! C’est les voyages. C’est clairement les voyages au Japon. C’est la découverte de la culture et de voir que j’ai pu mener des réunions avec des développeurs des graphistes japonais ou qui ne parlait pas du tout anglais et moi je ne parlais pas du tout japonais. On a réussi à se comprendre, car le jeu était notre langue commune et par des croquis, dessins on arrivait à se comprendre. C’était génial ça, ces échanges et cette découverte.

Nicolas : Ça me semble le fantastique. Avant qu’on passe à vos autres expériences, est-ce qu’il y a autre chose que vous voulez mentionner de votre temps chez Domyos ?

Arnaud : Pour finir, je peux partager ma petite fierté. Je crois que c’est fin 2008 justement. Comme on le disait, les jeux de la DIS sont sortis dans toute l’Europe et c’est à cette période-là qu’est sortie Wii fit en Europe. La Wii fit commençait à être très populaire et, je sais plus si c’était pour Noël 2008 ou pendant 2009, mais il y a eu une période où on a eu de très bons chiffres de vente. En fait, les chiffres de vente étaient, en termes de volumes, plus conséquents que Wii fit en Espagne. En France, pas *rire* du tout. Bien au contraire, voir, dix fois moins ou 100 fois moins. Mais ce qui m’a marqué c’est que l’Espagne est un pays où la caution sportive est très importante pour eux et donc, Décathlon et les coaches, parce qu’il y avait quelques grands noms du coaching qui ont participé, ça avait une plus grande caution que Nintendo lorsqu’il s’agissait de faire du sport. On a donc eu un très beau succès en Espagne parce que culturellement il c’était plus enclin.   Enfin voilà, en France on n’a pas du tout fait le poids vis-à-vis du mastodonte de Nintendo et même quand on voyait le budget marketing juste sur la France ou l’Europe c’était pour nous des chiffres inatteignables pour nous.

Nicolas : Félicitations. C’est effectivement un grand accomplissement d’avoir battu Nintendo.

Arnaud : En fait nous avons eu quand même de bons succès. Le Fitness Dance a toujours beaucoup plu, le body training a plu aussi parce que c’était un grand pack avec une barre. Il y avait la barre et des poids pour faire le body training. C’était la première barre et Décathlon qui était en kit, donc qui pouvait se séparer en trois parties et qui était transportable facilement. Même d’un point de vue prix, l’ensemble de poids et barre était déjà attrayant, sans parler du jeu. C’est des petites choses comme ça qui ont fait que les jeux ont pu plaire et des gens sont allés aussi sur la Domyos Interactive System. C’est aussi la chance d’être chez le vendeur, c’est de maîtriser des fois des packs pour gagner un peu moins d’argent sur le jeu, mais de faire le chiffre d’affaires sur le matériel.

Nicolas : Passons maintenant à votre temps chez KTM Advance où vous avez passé près de 6 années. Quel était votre rôle dans cette compagnie ?

Arnaud : Game designer, lead Game designer sur la fin.

Nicolas : Je ne connais pas vraiment cette compagnie, est-ce qu’il y a des titres particuliers qui vous viennent en tête ou que je devrais connaitre ?

Arnaud : Dubaï expert est un des derniers que j’ai bien aimés, mais la majorité des jeux ne sont pas des jeux à destination du grand public, mais sont des jeux internes. C’est quasiment que des serious games sur lesquels j’ai travaillé. C’est très souvent des demandes ou en réponse à des appels d’offres pour des besoins internes à des entreprises. Donc ça va aussi bien de la sensibilisation à la formation à la certification aussi. Je n’ai pas d’exemple a donné, car je suis encore sous NDA, mais ça, permet à des gens de passer des certifications via un serious game est donc au lieu de passer le QCM ou le test en ligne, ils peuvent faire des certifications et des validations de connaissances via des jeux.

Nicolas : Je suis en train de regarder les jeux réaliser par KTM Advance et il semble avoir aussi une inspiration qui était très point’n’click !

Arnaud : Alors ça, c’était énormément aussi lié à la cible. Ce qui était intéressant et le challenge sur ce genre de produits c’est que la cible pour le coup peut être complètement non joueurs, voire même réfractaires au jeu pour certains. Donc c’est pour ça que le point’n’click passe bien, car il n’y a aucune nécessité de de skill dans la maniabilité ou dans l’exécution. C’est surtout aussi une typologie de jeu qui se prête énormément au dialogue, parce qu’il y a très souvent des mises en situations qui sont nécessaires dans ces jeux. Donc c’est pour ça que sa part souvent sur du point’n’click. Après il y a aussi comme le dit, Dubaï Expert, c’est le bon exemple, ou c’est un jeu de cartes au même titre que n’importe quel jeu de cartes qui sont très populaire en ce moment, ou l’on a un deck et les cartes représenter des lieux et des activités des attractions de la ville de Dubaï. On va les jouer en réponse à une famille qui a des besoins, des contraintes de cout (qui sont un peu l’énergie), et à nous de faire le maximum de score sur un nombre de tours défini. J’ai toujours pris beaucoup plus de plaisir à faire des jeux comme ça qui n’était pas une représentation réelle de ce qu’on apprenait aux gens. Forcément, des fois il faut faire de la simulation pure, par exemple quand ont fait certains jeux certifiant ou de tests, et bien ça rentre sur de la de la simulation de la représentation réelle de ce qu’on souhaite faire apprendre. Après dès que je vais sortir justement de la représentation logique et partir sur quelque chose de plus abstrait moi j’ai toujours énormément aimé ça.

Nicolas : C’était très en avance sur son temps je dirais. La gamification c’est quelque chose qui existe depuis longtemps évidemment, mais dont on parle beaucoup plus dans les dernières années. Ce que je vois c’est que c’est un peu ça, vous avez rendu un apprentissage sous format jeu qui le rend ce plus convivial pour les gens. C’est quand même quelque chose qui était assez innovant pour 2012 !

Arnaud : Ah oui et qui n’a fait que de monter. J’ai de la chance, en fait, je ne sais pas si c’est de la chance ou j’arrive à sentir un peu quand même, mais chacune de mes nouvelles expériences, ce sont des choses auxquelles je croyais et que je sentais. En 2007 le sport dans le jeu sur une console qui ne se disait pas une console de jeu s’était un premier parie risqué, mais j’y croyais. En 2012 c’est pareil. Le serious game existait déjà, mais je sentais clairement que c’était un domaine qu’ils allaient qu’évoluer et grandir au fil des années, et ce fut le cas.

Nicolas : Et vous aviez vu juste ! Vous êtes resté là jusqu’en janvier 2018 ou par la suite vous êtes devenu indépendant. Qu’est-ce qui vous a motivé à changer d’horizon ?

Arnaud : Le côté indépendant c’était plus une opportunité que j’ai su saisir. Des gens que je connaissais de c chez YS interactive chez qui j’ai fait un gros contrat, étaient des gens que je connaissais depuis ma formation chez supinfogame. Le monde du jeu est quand même petit et donc j’avais une opportunité en tant qu’autoentrepreneur. Mais voilà ce n’était pas vraiment quelque chose que je souhaitais à long terme pour moi le statut d’indépendant.

Nicolas : Aujourd’hui vous êtes rendus, chez Mainbot. Je vais vous avouer que je ne connais pas du tout cette compagnie…

Arnaud : Oui, je suis là depuis 9 mois maintenant. Mainbot c’est «  normal » que vous ne la connaissiez pas, car c’est un produit qui est disponible seulement depuis Noël de l’année et en France uniquement pour le moment. Donc Mainbot en fait réalise un petit robot qui s’appelle Winky.

Nicolas : Ah oui, c’est une sorte de petite sphère c’est ça ?

Arnaud : C’est ça. Donc Winky c’est un petit robot nom qui est bardé de capteurs à l’intérieur et l’idée c’est d’apprendre la programmation aux enfants via la WinkyApp. Via l’app, on va peut programmer et commander le robot. L’idée, c’est un petit robot compagnon pour les enfants, donc la cible, c’est enfants de 5-12 ans. Pour le moment, le focus, c’est l’apprentissage de la programmation, mais l’idée c’est d’aller encore plus loin, qu’on n’ait pas de limites.

Nicolas : J’assume que ça se connecte via le téléphone et donc j’imagine qu’après, il pourrait y avoir d’autres applications indépendantes comme par exemple un jeu de la réalité augmentée.

Arnaud : C’est çà. L’idée même c’est que le robot soit évolutif. Le robot a été est issu d’un crowdfunding sur la plateforme française Ulule. Il y avait déjà dans les pistes du crowdfunding des nouveaux accessoires. Le robot est une petite sphère et en fait on peut séparer le haut du bas. Pour le moment, la sphère du bas, c’est juste des pieds, mais il y a déjà l’optique d’avoir un socle avec des roues par exemple pour que le robot puisse potentiellement se déplacer un peu à la manière d’un véhicule radiocommandé. Donc c’est super voilà. C’est partir sur une nouvelle direction : le côté robotique pour enfants.

Nicolas : Effectivement votre parcours il est très atypique. Vous êtes toujours pionnier au niveau des technologies. C’est intéressant, car plusieurs développeurs vont préférer se nicher dans quelque chose dans lequel ils se sentent confortables et vont rester là toute leur vie, mais là on parle de changement majeur d’un travail à l’autre. Remarquez que je vois une certaine similarité avec Domyos ou l’on parle d’un d’une combinaison des accessoires physique et le jeu vidéo… l’on pourrait peut-être faire ce rapprochement-là, mais il reste que de passer de Domyos, a dû training virtuel, a des jouets de programmation pour les enfants, ça reste un parcours qui est très intéressant.

Arnaud : Pour moi, on peut même dire que tout est très lié même si on est dans des domaines ou des typologies qui peuvent paraître très différentes ou des solutions qui sont différentes. Je vais le vulgariser en disait que la Domyos Interactive Système n’est rien d’autre qu’un serious game de sports si on devait le réduire à quelque chose. On apprend à faire du sport. Le serious game pour moi est en fait est un jeu comme un autre. Mais tiré de mes lectures et de mon expérience dans le design, c’est Raph Koster qui explique le design comme n’étant rien d’autre que de l’apprentissage en fait. On s’amuse tant qu’on apprend et à partir du moment où on apprend plus on se lasse. Prends l’exemple du Tic-Tac-Toe, le morpion français, où on doit aligner 3 croix ou trois ronds. Moi j’y joue encore avec ma fille. Donc on apprend. Et tant qu’on n’a pas compris toutes les possibilités et que quand on est deux qui connaissent toutes les possibilités ce sera toujours un match nul, on s’amuse à jouer à ça. Quand j’étais enfant moi j’y ai énormément joué jusqu’au jour où j’ai compris que si je répète cette série de coups on finira toujours à égalité. En fait, c’est la même chose avec les jeux sur les consoles, on ne se rend pas compte, mais c’est partir du moment où l’on apprend et que l’on sent qu’on peut s’améliorer qu’on y prend plaisir, même un jeu qu’on a le sentiment de maîtriser on peut apprendre toujours et on a toujours quelque chose de nouveau qui vient sinon on se lasse en fait sans s’en rendre compte.   Et la robotique et l’apprentissage aux enfants c’est un peu la même chose. En fait, c’est pareil. C’est apprendre à un enfant un nouveau concept, une nouvelle chose, C’est du serious game. Tout se recoupe un peu pour moi.

Nicolas : C’est une analogie extrêmement intéressante. Qu’on parle de jeu de plateforme ou même de FPS, peu importe, ce qui est intéressant dans le jeu c’est le développement personnel, développer sont habilité pour aller plus loin dans le jeu. Quand le jeu devient répétitif, c’est qu’on n’a fini « d’apprendre » ce que le jeu pouvait nous apprendre. Ou le jeu a peut-être encore d’autres potentiels d’apprentissage, mais nous avons atteint notre limite de skills, donc on n’est plus capable de s’améliorer, donc on se lasse. C’est donc une très bonne analogie. Je vais probablement la réutiliser *rires*

Arnaud : Comme je disais, ça vient du le livre « Theory of fun for game design » qui est pour moi est une des bases en design. J’aime beaucoup son analyse et comment il définit le game design et ce qui est « le fun ».

Nicolas : Arnaud, je te remercie beaucoup d’avoir bien voulu partager ton expérience avec nous, c’est extrêmement apprécier.

Arnaud : Bien, merci à toi.

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